Ce qui s'était passé dans un utérus quelconque
Intissar 'Abd El Mon'em
Mes regards étourdis contemplaient les lumières fixées sur mon visage. Des murmures et la réitération de la date de ce jour là selon le calendrier lunaire, des autres murmures me demandant de cesser de sangloter, une main immobilisant le masque sur mon nez et ma bouche et me réclamant d'aspirer le gaz anesthésiant. J'inhalais mais sans aucune utilité. Je voyais encore leurs petits yeux asiatiques bridés et entendais leurs plaisanteries qui ne s'étaient pas interrompues. Je répondais à leurs questions à propos de mon nom, de la date du jour et du nom de mon pays sans nullement perdre conscience. Je sentais mes entrailles se convulser voulant expulser tout ce qu'il y avait dedans. Des marteaux martelaient mon ventre et des crises de douleurs impitoyables que personne autre que moi ne sentait m'envahissaient et me dépouillaient de mon âme. Elles paralysaient mes membres et je ne pouvais plus bouger. Mon utérus était devenu un cimetière d'une partie de moi qui s'y était façonnée tel qu'un petit fœtus qu'il refusait d'expulser. J'insiste à m'accrocher à mon petit qui n'aurait jamais un nom, et effrayé de la terre toute desséchée du tombeau et de son obscurité, il insistait à se coller à moi. Je l'entendais me demandant refuge des scalpels (bistouris) du chirurgien qui me l'arrachait. Il criait en me demandant de le protéger et de le sauver. Il m'implorait de l'enterrer en moi tout à fait comme je l'ai planté et j'hurlais et il criait avec moi et personne n'entendait à nos supplices et nos sanglots et j'avais perdu conscience. Il était venu me réprouver en glissant à mes côtés sous la couverture. Il m'avait dit qu'il faisait un froid glacial là-bas dans la morgue pleine des personnes âgées qu'il n'avait jamais connues et qui n'avaient pas cessé de se plaindre du monde et du vil état de la vie. Il m'avait dit qu'il n'avait pas trouvé des enfants de son âge qui pouvaient jouer avec lui. Il avait senti une peur horrible quand il avait vu mon bras gauche attaché à des tubes d'un liquide et je l'avais enlacé très fort avec mon bras droit. La froideur de son minuscule corps moelleux m'avait terrifiée. Je l'avais serré encore plus fort contre ma poitrine jusqu'à ce qu'il fût réuni à moi une autre fois. Je l'avais dissimulé entre mes poumons et je lui avais demandé de se cacher loin de leurs yeux.
Intissar 'Abd El Mon'em
Nouvelliste et romancière de l'Egypte